La cogitation du mois

LA SEXUALITÉ DU COUPLE : QUE FAIRE QUAND LES ANNÉES PASSENT ?

Quand les années passent, le corps change, les fonctions sexuelles peuvent s’altérer et certains actes ou certains plaisirs peuvent devenir impraticables ou inaccessibles.

En couple, cela peut provoquer une disparité des attentes et des envies. Il en résulte parfois des déceptions tant personnelles que partagées, des questionnements sur son propre devenir ou celui du couple. Si son couple est resté une entité importante, ces préoccupations sont forcément identifiées.
Faire plaisir à l’autre est le cheminement le plus utilisé pour tenter de restabiliser le couple, mais ce n’est plus vraiment suffisant dans ce désarroi.
Il n’est pas rare que l’adaptation se fasse en se tournant vers les plaisirs de vie non sexuels, semblants désormais plus accessibles et plus certains en termes de récompense personnelle.

Mais nous parlerons des cas où la sexualité ne souhaite pas être abandonnée. Elle doit donc s’adapter pour ne pas devenir une zone de souffrance, de reproches et de rancœurs.

Sur quoi peut-on alors compter si l’on souhaite conserver une sexualité harmonieuse ensemble ?
Déjà, sur une bienveillance et surtout, une compréhension mutuelle de ce qui se passe.

Débuter par l’acceptation des états de fait est donc primordiale. Le temps qui passe est inéluctable. Concernant la femme, la disparition des hormones est inévitable, physio-induite avec disparition ou émoussement du désir sexuel cérébral, douleurs vaginales et vulvaires, pertes de sensations clitoridiennes et vaginales, orgasme plus difficile à atteindre, plus bref et de faible intensité. Chez l’homme, des troubles érectiles peuvent apparaitre avec une érection de moins bonne qualité, voire la disparition des érections pour des raisons médicales, et aussi perte de sensations, diminution d’intensité et retard d’accès à l’orgasme. Chez les deux partenaires, le vieillissement du corps, la perte de vélocité, le statut ostéoarticulaire, les douleurs, les modifications tégumentaires (peau, poils et cheveux), la survenue de maladies et opérations, la prise de traitements impliquent autant d’adaptations à chaque année qui passe.

Ensuite, l’idée est de trouver des alliés pour évoluer ensemble vers une nouvelle sexualité qui conviendra -dans l’idéal- aux deux partenaires.

Tout d’abord, le respect dans les échanges verbaux, relationnels, intentionnels non sexuels est essentiel pour laisser la porte ouverte à l’éventualité d’une sexualité.

Ensuite, il faut réaliser que nous n’avons pas encore tout inventé ni tout tenté. Notre « grand livre sexuel » a encore de nombreuses pages blanches sur lequel nous pouvons encore écrire. L’inventivité va donc être un allié majeur dans notre évolution. Comme il s’agit de ne plus pouvoir faire « comme avant », inventons.

Beaucoup de pratiques, de mini-pratiques, voire de micro-pratiques, de mots, d’actes corporels, de touchers, de jeux sont souvent mis de côté au profit de la sexualité purement « intromissive ». Il faut donc les réintégrer, voire en initier de l’inédit.
Chacun doit donner son avis progressivement sur les essais envisagés ou tentés. Et l’art sera de collectionner toutes ces petites choses, ces petits actes, pour nourrir progressivement une sexualité nouvelle. Nul besoin de s’orienter vers des pratiques nous paraissant éloignées de notre sensibilité personnelle. Il faut plutôt chercher -peut être noter- une liste de toutes petites choses qui nous font encore du bien, qui allument notre plaisir et ne pas rejeter ce qui appartient aux sens visuels, tactiles, photographiques, gustatifs, auditifs, aux objets, au vestimentaire, au relationnel, au social, à l’écriture, la musique, l’équilibre, aux rituels fantastiques, etc…. Puis il faut additionner tout cela petit à petit, plus ou moins, sans se blesser intérieurement et en se respectant soi-même, en ajoutant ou abandonnant au gré des explorations.

S’amuser reste une clé. Si on veut que la porte de la sexualité reste ouverte, tout doit rester léger à l’esprit des deux partenaires. Il est indispensable de ne pas faire culpabiliser l’autre et de ne pas se culpabiliser. Il est prudent de rire de nos tentatives échouées, de les transformer en un moment de tendresse, de complicité ou de se contenter d’actes corporels qui ont moins d’enjeu et qui nous déçoivent moins sensoriellement.

Ensuite, nous pouvons intégrer ce que nous appellerons le « décorum », qui est un bon vecteur et un bon initiateur. Trouver un habillement, se parer ou se maquiller, imaginer une situation, préparer un environnement, trouver un jeu de rôle, se prévaloir d’une originalité, chercher un point de rencontre, etc… sont autant de situations propices à ce que le cerveau s’oriente vers le désir.

Après – et j’insiste que ce soit le dernier point – car même s’il est crucial, il est un mirage qui ne peut aboutir au retour en arrière. S’occuper de son corps est un surplus indéniable. Rester en forme physique, accéder aux traitements locaux chez la femme afin de restaurer les tissus et leur fonction, avoir moins de douleur, traiter les troubles érectiles chez l’homme. Ces traitements existent et, quand ils peuvent être utilisés, ils amélioreront, faciliteront le pont vers tout ce qu’on aura inventé, il permettront, non un retour à l’état précédent, mais une passerelle entre ce qu’on a connu et qu’on va inventer et qui sera nous désormais.

On se rappellera que force et culpabilité sont de mauvais ingrédients. Personne n’est responsable du temps qui passe, des altérations qu’il impose et qu’il nous fait supporter. Personne n’est coupable des ses propres envies ou de ses propres disparitions d’envies. Chacun est soi et doit se respecter. Nous ne sommes pas une variable d’ajustement de l’autre ni de sa sexualité. Le « normal » est quand nous nous sentons bien.

Soyons gentils avec nous-mêmes.